mardi 19 août 2008

LE ROI GIA LONG


LE ROI GIA LONG

( 1802 – 1820 )


TROUBLES DANS LE SUD

En 1765, l’année du Coq, avec la mort du seigneur Vu, le sud s’enfonça dans le désordre. Le régent autoritaire Truong Phuc Loan intronisa Nguyen Phuc Thuan, âgé alors de 12 ans, avec l’intention de le contrôler plus facilement. Et le sud commença à tomber dans la décadence : la cour seigneuriale jetait l’argent par la fenêtre, la bande de Truong Phuc Loan faisait la pluie et le beau temps en tout ramassant pour s’enrichir. Les habitants en étaient réduits à vivre dans la misère, accablés d’impôts et ne pouvaient que se lamenter. Cette situation amena à l’insurrection des frères Tay Son en 1773, l’année du Serpent. Profitant des troubles dans le sud, le seigneur Trinh commanda des troupes traversant la rivière pour attaquer Phu Xuan. Après la perte de Phu Xuan, le seigneur Nguyen et sa suite s’enfuirent à Gia Dinh. Et voilà la fin de l’œuvre dynastique des Nguyen dans le sud qui avait duré presque 200 ans à partir de la fondation par le seigneur Tien ou Nguyen Hoang. Le sud arriva à un tournant de l’histoire.

LES JOURS PLEINS D’ADVERSITÉS

AVEC DES LÉGENDES

Phu Xuan tomba dans les mains des Trinh, le seigneur Nguyen Phuc Thuan et les membres de sa famille s’enfuirent à Quang Nam, parmi lesquels figurait Nguyen Anh (1), âgé alors de 13 ans.

Nguyen Anh était le fils du prince Nguyen Phuc Con et de Madame Nguyen Thi Hoang. Né le 15e jour du 1er mois de l’année du Cheval ( 1762 ), il se montrait dès son enfance un homme d’une grande volonté et d’une intelligence remarquable. Le seigneur l’aimait beaucoup. À la perte de Phu Xuan, il suivit son père à Quang Nam puis à Gia Dinh. Malgré sa jeunesse il fut nommé chef de garnison. Il faisait preuve de son talent en remplissant cette fonction. À la fin de l’année 1776, Do Thanh Nhan, un officier du seigneur Nguyen réussit à mettre à bas les troupes des Tay Son commandées par Nguyen Lu et à reprendre Sai Con. Nguyen Phuc Duong s’allia avec Do Thanh Nhan pour consolider les forces. Mac Thien Tu, fils de Mac Thien Tich, leur apporta des soldats en renfort. Les forces du seigneur Nguyen à Gia Dinh étaient donc de plus en plus puissantes. Le pays Chen La, voyant la situation troublée du sud, se révolta en refusant de payer des tributs. Nguyen Anh fut envoyé au Chen La faire la guerre. Nac Ong Vinh se rendit et consentit à se soumettre comme auparavant.

En 1777, l’année du Coq, Nguyen Hue s’empara de Gia Dinh. Le seigneur Nguyen et sa suite abandonna la citadelle pour s’enfuir avec les restes de son armée à Dinh Tuong, Can Tho. Les troupes Tay Son les poursuivirent rigoureusement. Nguyen Phuc Duong et certains mandarins étaient capturés et tués. Et Nguyen Anh commença à vivre des jours pleins d’adversités. D’abord il se réfugia à l’île Tho Chau. D’après la légende, il voulut partir en bateau, mais chaque fois que les bateaux s’apprêtèrent à quitter la rive, des crocodiles émergèrent comme pour entraver l’avance. Cela se répétait trois fois à la surprise de tous. Plus tard on savait que les nuits où les crocodiles apparurent, les troupes Tay Son tendirent une embuscade en pleine mer pour le capturer. Ses escortes pensaient qu’il était aidé et protégé par le Ciel. De l’île Tho Chau il mena des troupes se joindre avec ses officiers pour reprendre Sai Gon puis Binh Thuan. Après avoir consolidé ses forces, en 1780, Nguyen Anh se proclama roi à Gia Dinh. En 1782, voyant sa puissance agrandie, Nguyen Nhac et Nguyen Hue introduisirent des troupes l’attaquer et prirent Sai Gon. Nguyen Anh s’enfuit de nouveau à Ha Tien, ici il se servit des petites barques pour traverser la mer. D’après Annales de la cour nationale, ce soir-là il faisait très obscur. À bord de la barque, tout le monde avait l’impression d’être soulevé par on ne sait quoi. Le lendemain on découvrit que la barque du seigneur avait été soulevée par des serpents marins. Tous ses soldats s’effrayaient mais Nguyen Anh les tranquillisa et les pressa à s’avancer. Lorsque la barque s’arrêta à Phu Quoc, les serpents disparurent. De Phu Quoc, Nguyen Anh retourna à Sai Gon quand son officier Chau Van Tiep arriva à repousser les Tay Son. En automne de l’année 1783, Nguyen Hue recommença les attaques. Encore une fois, Nguyen Anh s’enfuit avec les restes de ses troupes à la rivière Lat puis à la rivière Dang. Ici il ne trouva plus d’issue car la rivière, pleine de crocodiles, coulait trop fort. Poursuivi par les Tay Son, Nguyen Anh se hasarda à traverser la rivière à califourchon sur un buffle. Le buffle risqua d’être entraîné par les flots mais les crocodiles le sauvèrent. Nguyen Anh a pu ainsi échapper à la mort. Il s’enfuit à My Tho et emmena toute sa famille à Phu Quoc. Sur le chemin, sa barque aborda dans l’île de Con Lon (2). Nguyen Hue assiégea cette île en trois cercles avec toutes ses forces de terre et de mer. Juste à ce moment, il faisait un grand orage; le ciel s’assombrissait avec des nuages gris; le vent souffla très fort. Profitant de cette condition du temps, Nguyen Anh se décida à prendre la barque pour s’enfuir jusqu’à l’île Co Cot, où, faute de vivres, le seigneur et ses sujets se nourrissaient de légumes et de patates. Ils purent enfin échapper à la faim grâce au riz offert par un habitant. Les jours passés à Phu Quoc étaient vraiment misérables, mais le seigneur Nguyen Anh, avec sa volonté, était déterminé à surmonter les difficultés pour restaurer la nation. Il n’était sûrement pas Cau Tien ( Keou-Tsien ), roi des Viet de l’ancienne Chine mais l’image de ce roi subissant mille souffrances pendant de longues années de lutte pour la restauration du pays l’ encourageait beaucoup. C’est pourquoi, il ne perdit pas patience durant ces mois pleins d’adversités et de déplacements. Par contre il chercha tous les moyens de reprendre la région du Sud que ses ancêtres avaient exploitée avec tant de peine. Il n’hésita même pas à recourir à la France par l’intermédiaire de l’Évêque Pigneau de Béhaine (3). Il contacta ce missionnaire pour appeler à l’aide les Français. Il laissa l’évêque emmener en France son fils aîné Nguyen Phuc Canh, alors âgé de 4 ans.

Après le départ de son fils, Nguyen Anh quitta sa mère et son épouse pour aller au Siam demandant l’aide des Siamois. Avant de partir, il partagea un morceau d’or en deux et en donna la moitié à son épouse en disant :

Notre fils est parti, moi aussi je partirai. Vous restez pour prendre soin de ma mère. On ne sait où et quand nous pourrons nous revoir. Prenez donc cet or comme gages”.(4 ) Avec ces mots d’adieu si pathétiques, on pouvait comprendre l’état de ses forces épuisées.

Les bateaux du seigneur s’avancèrent en direction du Siam et, pas longtemps après, furent poursuivis de près par sept vaisseaux de guerre des Tay Son. Nguyen Anh fit lever les voiles et accéléra vers l’est. Ses bateaux flottaient sur mer pendant sept jours et nuits sans trouver de direction. Il manquait de nourritures et de l’eau, la situation était infiniment critique. D’après Annales de la cour nationale, le seigneur devait s’abstenir de boire pendant des journées, cédant le peu d’eau qui restait à ses soldats. Quand il ne restait aucune goutte, dit la légende, Nguyen Anh tourna le visage vers le ciel en implorant : “ Si j’ai la destinée d’être roi, que mon bateau puisse arriver à la rive pour sauver tout le monde ! Sinon, je me contenterais de voir mon bateau noyé.” Brusquement le vent s’apaisa, les flots ne firent plus rage, devant le bateau l’eau se fendit en deux courants, l’un noir, l’autre blanc. Voyant le courant aux eaux claires, quelqu’un dans le bateau puisa un peu d’eau et s’écria : “ De l’eau douce ! de l’eau douce ! ”.

Et tout le monde se hâta de puiser de l’eau à qui mieux mieux pour se désaltérer. Nguyen Anh en fit remplir 4 à 5 jarres, après quoi, l’eau redevenait salée comme auparavant (5). Le bateau retourna à Phu Quoc. Au 10e mois de l’année du Chat ( 1783 ), en apprenant que Nguyen Hue a retiré dans le nord une grande part de ses troupes pour ne laisser qu’un petit nombre protéger Gia Dinh, Nguyen Anh décida de rentrer à l’île Tho Chau regrouper tous ses soldats pour attaquer Gia Dinh. Au 1er mois de l’année 1784, son poste Tan Hoa fut attaqué par les troupes de Truong Van Da. Nguyen Anh alla se réfugier au Siam, espérant recevoir des renforts siamois pour revenir continuer la guerre contre les Tay Son. Le 6e mois de cette année, le roi du Siam consentit à envoyer à son secours les généraux Chieu Tang et Chieu Suong avec 200 000 hommes et 300 vaisseaux de guerre. Au début, avec l’aide des troupes siamoises, l’armée du seigneur réussit à reprendre Kien Giang, puis Ba Thac, Tra On, Sa Dec. Les troupes de Tay Son se retirèrent en informant Nguyen Nhac à Qui Nhon. Après avoir vaincu les Tay Son, les Siamois se mirent à opprimer et voire tuer les habitants cruellement. Nguyen Anh savait la situation sans pouvoir rien faire. Pendant ce temps, Nguyen Hue, au courant de la situation, dirigea une grande armée vers le sud. Les premiers combats entre deux partis étaient de force égale. Nguyen Hue réunit ses généraux en vue de trouver une solution. Le Xuan Giac proposa d’attirer la flotte siamoise dans une embuscade sur la rivière dans le tronçon Sam Giang ( ou Rach Gam ) et Miet Giang( ou Xoai Mut ).Nguyen Hue réalisa le projet. L’armée siamoise ne connaissait pas le terrain, et sous-estimait l’adversaire après les récentes victoires, s’avançait sans prendre aucune précaution vers My Tho où, tombée dans l’embuscade, elle fut battue par les Tay Son. Chieu Suong, Chieu Tang se frayèrent une brèche sanglante avec des milliers de soldats pour s’enfuir au pays en direction du Chen La. Nguyen Anh s’en alla aussi à Tran Giang, puis à l’île Tho Chau pour se réfugier au Siam encore une fois.

Après cette victoire, les Tay Son se tournèrent contre les Trinh. Au 5e mois de l’année du Cheval ( 1786 ), Nguyen Hue, à la tête de ses troupes, s’empara de Phu Xuan sur la proposition de Nguyen Huu Chinh, puis s’avança à Thang Long. Nguyen Nhac, frère de Nguyen Hue, soupçonnant l’intention de l’expédition vers le nord de Nguyen Hue, s’empressa d’y venir. Les deux frères se rencontrèrent à Thang Long et en retournèrent ensemble. Nguyen Hue se fit proclamer roi Bac Binh et s’installa à Phu Xuan. Et les premiers signes d’une dissension entre les frères Tay Son se firent voir à partir de ce jour. Mécontent et quelque peu jaloux du prestige de Nguyen Hue après avoir supprimé les Trinh, Nguyen Nhac lui fit la guerre plus d’une fois. Et cette guerre fratricide des Tay Son était une bonne occasion favorisant la restauration du pays pour le seigneur Nguyen Anh.

LA RÉUNIFICATION DU PAYS

En se disputant le pouvoir, les frères Tay Son ne faisaient pas attention à la région du sud, surtout à partir de Qui Nhon. Profitant de cette situation, le seigneur Nguyen Anh, en compagnie de ses confidents, s’est rendu au sud, au 9e mois de l’année de la Chèvre ( 1787 ). Les habitants du Nam Bo ( Sud ), n’oubliant pas les bienfaits des anciens seigneurs, se réunissent de nouveau sous la bannière de Nguyen Anh. Grâce à ces sentiments, les forces de Nguyen Anh devenaient de plus en plus puissantes, alors que le seigneur de Tay Son Nguyen Lu dut quitter Gia Dinh pour retourner à Qui Nhon. Et Nguyen Anh put ainsi, avec ses officiers Le Van Quan, Nguyen Phuoc Hoi, Nguyen Van Thanh, reprendre les terres perdues, recruter de nouvelles troupes en préparant une longue offensive à l’avenir. Pendant ce temps, un héros de Gia Dinh, Vo Tanh, vint le rejoindre avec plus de 10 000 hommes. Nguyen Anh reprit la terre de Gia Dinh, y installa son quartier général et réorganisa l’administration. Il pratiqua une politique souple, fit appel aux hommes de talent qui continuèrent à lui prouver de l’appui. Il établit à Gia Dinh un puissant gouvernement central comprenant six ministères : celui de l’Intérieur, des Rites, des Finances, de la Guerre, de la Justice et des Travaux Publics. En 1790, il fit reconstruire la citadelle de Gia Dinh en forme de huit diagrammes, avec huit portes en latérite, à l’intérieur étaient les palais, les temples, les trésors. Avec cette architecture moderne, Gia Dinh avait déjà le visage d’une capitale. À l’extérieur, les marchés, les rues se croisaient, de nombreux habitants faisaient du commerce, c’était vraiment un centre commercial de l’époque. Voyant cette puissance, au 3e mois de l’année 1782 le roi Thai Duc des Tay Son commença une autre attaque mais ses troupes furent repoussées par l’armée de Nguyen Anh, un courtisan du roi Thai Duc nommé Pham Ngan fut décapité à Tham Luong. En apprenant que la mort de Pham Ngan était causée par les troupes chinoises qui supportaient le seigneur Nguyen Anh, le roi Tay Son ordonna de massacrer tous les soldats chinois sur place – ils étaient au nombre de plus de 10 000 hommes – et de jeter leurs cadavres dans la rivière, si bien que pendant plus d’un mois personne n’osait boire de l’eau ni manger de poissons de cette rivière.

À partir de cette période, les Tay Son attaquèrent encore plusieurs fois mais toujours vaincus et obligés de se retirer.

À Phu Xuan, Nguyen Hue s’avança vers le nord et se présenta en défenseur de la dynastie royale des Le, chargea Ngo Van So et Ngo Thoi Nhiem d’administrer le nord. Le roi Le Chieu Thong fit appel à la dynastie mandchoue des Qing. Profitant de l’occasion, l’empereur Qing confia au gouverneur Sun Shi Yi la charge de rassembler 200 000 hommes pour envahir le Vietnam, brandissant le mot d’ordre “ Abattre les Tay Son pour restaurer les Le”. Informé par Ngo Van So, Nguyen Hue se fit proclamer roi à Phu Xuan au nom du règne de Quang Trung, dirigea une grande armée en direction du nord. Avec un mouvement rapide vers le front, en 1790, ses troupes réussirent à mettre en pièces l’armée de 200 000 hommes des Qing. Sun Shi Yi s’enfuit, laissant son sceau officiel. Cette victoire coupa net l’ambition d’invasion des Qing et rehaussa le prestige du roi Quang Trung au point culminant. Après avoir stabilisé la situation dans le nord, le roi rentra à Phu Xuan et y mourut en 1792, l’année du Rat.

Le seigneur Nguyen Anh se réjouit beaucoup de la nouvelle de la mort du roi Quang Trung qui était à ses yeux l’adversaire le plus dangereux. Parmi les trois frères Tay Son, Nguyen Hue était celui qu’il craignait le plus. Tant que Nguyen Hue existait, il restait toujours inquiet. Le souvenir d’ une vie errante, dépourvue de nourritures l’obsédait en lui causant de l’ effroi. Il avait une grande volonté et savait se résigner, mais bien des fois il pensait que la restauration du pays était trop difficile. Et en ce moment, en apprenant la mort de Quang Trung, il était très content au point de ne pas pouvoir se maîtriser. Il lui fallait saisir l’occasion favorable pour réaliser son rêve. D’une part, il renforça la situation intérieure, procéda à l’entraýnement des soldats et au sélectionnement des officiers, acheta des armes, stocka des vivres ; d’autre part, il envoya des délégations à l’étranger solliciter l’aide et l’appui des pays voisins.

Parmi les officiels qui travaillaient pour Nguyen Anh il y avait certains étrangers tels que Dayot, Philippe Vannier, Guilloux, Laurent Barisy, De Forçant, Jean Baptiste Chaigneau. Ceux-ci commandaient des vaisseaux de guerre construits à la française qu’ils avaient introduits de France. D’autres excellaient à faire la guerre et à construire des remparts. ( Olivier de Puymanel, Theodore Lebuen ). (6)

Préparer la guerre contre les Tay Son était alors les premières préoccupations de Nguyen Anh. Il y mit tous ses soins, surtout pour les armes. D’après le Thuc luc chinh bien ( Annales officielles ), en 1791, l’année du Cochon, un Portugais nommé Chu-di-nô-nhi vint faire du commerce. Par l’intermédiaire de celui-ci, Nguyen Anh écrivit au chef d’État de Portugal afin d’acheter armes et munitions de ce pays : 10 000 armes à feu, 2 000 canons ( d’un poids de 60 kg chacun ), 2 000 obus ( d’un diamètre de 10 cm ). Et la plupart des soldats dans l’armée de Nguyen Anh se serviraient des armes venues de l’étranger dans les batailles contre les Tay Son.

En l’année du Buffle ( 1793 ), Nguyen Anh prit la route maritime et, ayant le vent dans les voiles, s’avança jusqu’à Qui Nhon pour attaquer cette ville puis se retira. Les années suivantes, chaque fois que soufflait le vent du sud-est, il envoya des bateaux attaquer les provinces du Centre pour se retirer enfin à Gia Dinh en saison du vent du nord-est.

Ces expéditions étaient bien reflétées dans le chant populaire :

Qu’il fasse du vent du sud-est

Le seigneur Nguyen en profiterait pour tendre les voiles en avant.

Ces deux vers montraient aussi que les habitants des provinces du Centre en avaient assez de l’administration du roi Thai Duc ou Nguyen Nhac, qu’ils espéraient l’apparition d’un vrai monarque. C’était un signe favorable pour les expéditions à venir de Nguyen Anh.

En 1794, Nguyen Anh attaqua l’estuaire de Thi Nai, puis s’avança à l’estuaire de Dai Co Luy. Il laissa Vo Tanh protéger la citadelle Dien Khanh puis regagna Gia Dinh. Au 11e mois de cette année, Dien Khanh fut assiégé par Tran Quang Dieu – un général des Tay Son -. Au 2e mois de l’année du Chat ( 1795 ), Nguyen Anh essaya de reprendre Dien Khanh mais en vain car les forces de Tran Quang Dieu y étaient très puissantes. Heureusement, juste à ce moment des troubles se produisirent à Phu Xuan avec des disputes de pouvoir parmi les différents partis qui cherchèrent même à se massacrer. Tran Quang Dieu dut abandonner Dien Khanh pour revenir à Phu Xuan, levant ainsi le siège à Vo Tanh. En 1797, Nguyen Anh profita du vent pour attaquer Qui Nhon, mais avec les contre-offensives violentes des Tay Son, il fut obligé de se retirer et brusquement lança une attaque contre la ville de Da Nang. Cette fois-ci il arriva à occuper certaines régions avant de regagner Gia Dinh. Il chargea Vo Tanh et Ngo Tung Chau de garder les remparts de Binh Dinh. En apprenant la perte de Qui Nhon ( ou Binh Dinh ), le roi Canh Thinh ordonna à Vo Van Dung et Tran Quang Dieu de prendre des troupes encerclant la citadelle. Au 5e mois de l’année du Singe ( 1800 ), Nguyen Anh à la tête des troupes alla reconquérir Binh Dinh en attaquant aussi l’estuaire de Thi Nai. Défait, Vo Van Dung prit la fuite mais Binh Dinh restait toujours encerclé. Les soldats de Vo Tanh dans les remparts manquaient de vivres, Dung et Dieu ne lâchèrent pas le siège. Devant cette situation, Nguyen Anh dit à ses officiers : “ Plutôt perdre la citadelle que de voir périr un général talentueux ” et il fit passer en secret un message à Vo Tanh lui demandant d’abandonner les remparts. Vo Tanh n’accepta pas de le faire en lui écrivant : “ En ce moment tous les bons généraux et soldats des Tay Son sont présents ici à Binh Dinh. Phu Xuan est sans doute mal protégé.Il faut en profiter pour attaquer Phu Xuan. La reprise de Phu Xuan suffit à compenser ma vie ” . En lisant ces mots, Nguyen Anh regretta beaucoup, d’une part, il pressa Nguyen Van Thanh à lancer des attaques plus violentes, d’autre part, il retira toutes les forces marines pour s’avancer vers Phu Xuan.

En 1801, l’année du Coq, les troupes de Nguyen Anh se ruèrent vers Phu Xuan en deux colonnes. Le roi Canh Thinh envoya des soldats les arrêter sans succès, le roi lui-même dirigea une contre-offensive à l’estuaire Thuan An, mais ses troupes furent battues par celles de Nguyen Anh et il dut s’enfuir au nord. Et le 3e jour du 6e mois de l’année du Coq ( 1801 ), Nguyen Anh réussit à reprendre Phu Xuan. À la nouvelle de la perte de Phu Xuan et de la fuite du roi Canh Thinh, les troupes des Tay Son consentirent à rentrer dans les rangs de Nguyen Anh. En 1802, Nguyen Anh fit restaurer la Citadelle de Phu Xuan et le 2e jour du 5e mois de cette année, il se fit proclamer roi avec le nom de règne de Gia Long. Après son avènement, le roi Gia Long avança vers le nord, les troupes des Tay Son se démembrèrent au fur et à mesure. Au 6e mois de l’année du Chien ( 1802 ), le roi Gia Long a réussi la réunification du pays, inaugurant une nouvelle ère de la nation, mettant fin à une guerre qui avait duré à peu près 300 ans.

LE ROI GIA LONG

ET LES VENGEANCES CONTRE LES TAY SON

Depuis longtemps, le roi Gia Long nourrissait une rancune contre les Tay Son. Les frères Tay Son, et surtout Nguyen Hue, ont pour ainsi dire exterminé les membres de la famille du seigneur Nguyen. Un grand nombre de ses proches étaient tués douloureusement sous les épées des Tay Son. Et lui-même avait subi une vie misérable durant une dizaine d’années, souffrant de faim, poursuivi sans cesse par Nguyen Hue. C’est pourquoi, après son avènement, le roi Gia Long pensa à assouvir sa haine.

D’abord, il fit creuser la tombe du roi Quang Trung, brûler les ossements et jeter de la cendre dans la mer. Et le crâne fut utilisé comme puisette pour contenir de l’urine. Après il fut enchaîné et mis dans une prison à la citadelle ( à l’actuel quartier de Tay Loc), personne ne sait ce qu’il deviendrait. Quant aux généraux et officiers des Tay Son, comme Bui Thi Xuan, certains furent exécutés au moyen des éléphants et des chevaux ( laisser fouler par des éléphants; attacher les quatre membres aux quatre chevaux qui, à coup de fouet, s’en vont à quatre directions, déchirant ainsi le corps du condamné ). Ces vengeances du roi Gia Long ont laissé une mauvaise impression chez les habitants de Phu Xuan d’alors, surtout chez ceux qui admiraient encore des Tay Son. Et voilà l’origine des soulèvements à venir.

L’OISEAU TOUCHÉ FAIT OUBLIER L’ARBALÈTE

Pour les monarques du temps jadis, de l’est à l’ouest, le fait d’exterminer ceux avec qui ils avaient subi ensemble de dures épreuves était une règle commune. Après avoir saisi tout le pouvoir, en qualité de“ Fils du Ciel”, le roi Gia Long n’épargna pas la mort aux mandarins qui avaient combattu avec lui. Parmi les officiels qui avaient contribué à son intronisation figuraient Nguyen Van Thanh et Dang Tran Thuong qui périrent tous les deux lorsque le roi était encore en vie. La mort de Nguyen Van Thanh fut peut-être causée par les disputes de pouvoir des mandarins de la cour, mais le roi le laissa mourir sans une tentation de secours, on lui reprochait cette faute.

Nguyen Van Thanh avait suivi Gia Long depuis qu’il commença à lever des troupe contre les Tay Son. Dans les batailles, il se montrait un général talentueux et plein d’initiatives. Avec ses grands mérites, il était digne d’être classé parmi les premiers dignitaires de l’époque initiale de la dynastie des Nguyen. Lorsque Gia Long avança vers Thang Long à la conquête du nord, il le nomma Gouverneur de la citadelle Bac Thanh en lui permettant de tout décider. Beaucoup de personnes enviaient cet honneur et cherchaient à lui nuire.

Après un certain temps, le roi Gia Long, ébranlé par des commentaires désavantageux, ne le laissa plus à son poste dans le nord et le rappela à la capitale pour une autre fonction.

Nguyen Van Thanh avait un fils nommé Nguyen Van Thuyen. Thuyen était d’un caractère prétentieux et insolent. Licencié, il se servait souvent de la poésie pour se faire des amis. Voulant lier connaissance avec deux hommes instruits très célèbres Nguyen Van Nhuan et Nguyen Van Khue, il composa un poème de huit vers à sept syllabes chacun et chargea Nguyen Truong Hieu, un serviteur, de le leur passer. Le poème fut écrit en chinois classique :

Văn đạo Ái Châu đa tuấn kiệt
Hư hoài trắc dịch dục cầu ty

Vô tâm cửu bảo Kinh sơn phác
Thiện tướng phương tri ký bắc kỳ
U cốc hữu hương thiên lý viễn
Cao cương minh phượng cửu thiên tri

Thư hồi nhược đắc trung sơn tế

Tá ngã kinh luân chuyển hóa ky.


Ai Chau est une terre des gens de talent

Je cherche à lier connaissance depuis toujours

La perle resplendissant d’éclat nuit et jour

Le cheval à belle allure sans précédent

Les parfums du coin se dégagent à mille lieues

Le chant du phénix s’élève haut en plein air

Si le hasard nous réunit une fois sur terre

Transformer le monde,ce serait bien mes vœux. (7)


Trouvant Nguyen Van Thuyen prétentieux et arrogant, Hieu avait de l’antipathie pour lui. Il montra le poème à Nguyen Van Nghi. Nghi avait été un subordonné travaillant sous les ordres de Nguyen Van Thanh . Une fois il fut réprimandé par Nguyen Van Thanh pour avoir commis des fautes. Fâché, il se rendit au camp du mandarin Le Van Duyet. Nghi connaissait l’antipathie de Le Van Duyet pour Thanh. Il en profita pour se venger contre Thanh par les mains de Le Van Duyet. Celui-ci fit la lecture du poème et, poussé par les provocations de Nghi, se hâta d’apporter le poème au roi Gia Long. Au début, le roi le lut et le jeta en disant à Le Van Duyet : “ Thuyen est un enfant insolent. Il se fait souvent remarquer par des poésies pleines de fatuité de ce genre. Laissez passer cette histoire pour garder les rapports amicaux. De plus, un seul poème ne suffit pas à être jugé. ”

À ces mots, Le Van Duyet ne voulut plus continuer l’intrigue et fit part à Nghi de son avis. Pourtant, Nghi nourrissait encore une haine contre Nguyen Van Thanh. Il poussa Hieu à présenter le poème à Thanh pour le menacer. De caractère irascible, Nguyen Van Thanh fit arrêter Thuyen et Hieu et ordonna aux responsables de la résidence Quang Duc ( province de Thua Thien ) d’entreprendre des investigations. Supportés par Le Van Duyet, les mandarins de la résidence Quang Duc mirent Thuyen à la torture pendant des nuits consécutives. La torture était si cruelle que Thuyen finit par avouer, reconnaissant qu’il avait des menées subversives. Et la cour fit chorus avec Le Van Duyet pour accuser Nguyen Van Thanh et demanda au roi de le juger sévèrement.

Au début, le roi Gia Long ne soupçonna pas la bonne foi de Nguyen Van Thanh, mais les mandarins de la cour insistaient toujours, surtout Le Van Duyet, il chercha tous les moyens pour abattre Nguyen Van Thanh. Thanh suffoqua d’indignation devant l’attitude des mandarins. Un jour, à la fin d’une audience royale, il retint le roi par les pans de son costume et cria son innocence en pleurant. Mais le roi arracha son costume des mains de Thanh puis fit son entrée dans le palais, l’air mécontent, en donnant l’ordre de ne pas laisser Thanh entrer. Le lendemain, le roi ordonna à Le Van Duyet de faire un nouvel interrogatoire. Ne pouvant pas supporter les tortures, Thuyen reconnut sa culpabilité. Le roi Gia Long fit arrêter Nguyen Van Thanh pour être jugé. Nguyen Van Thanh et ses enfants étaient internés à la prison Thi Trung. Quelques jours après, la cour prononça la sentence. Après avoir entendu la sentence, Thanh dit au général Hoang Cong Ly : “ Condamné à mort par le roi, le sujet doit lui obéir, sinon, il sera un sujet déloyal ”.

Ayant dit ces mots, il prit le bol de poison et le but d’un trait dans la prison Thi Trung. Quant au roi Gia Long, après avoir lu le placet écrit par Nguyen Van Thanh détenu, il se repentit et le regretta beaucoup. Il fit organiser les funérailles solennelles pour Nguyen Van Thanh, lui restituer les fonctions et les titres, et libérer ses enfants. (8)

Un autre mandarin qui avait des relations avec Nguyen Van Thanh était Dang Tran Thuong. Originaire du district de Chuong Duc, province de So Nam Ha, Thuong était très intelligent, connaissant à fond des livres de stratégie, mais il ne put pas mettre ses talents à l’épreuve en cette période de troubles. Avec Nguyen Ba Xuyen, il suivit Nguyen Dinh Dac dans le sud. Pendant ce temps, il rédigea un placet concernant des procédés pour réprimer des révoltes. Dac présenta le placet à Nguyen Anh. Le placet plut beaucoup à Nguyen Anh qui le fit venir pour une audience. Les deux s’entendant bien en discutant des problèmes de la vie, Thuong fut invité à donner ses avis dans les stratagèmes. Avec Nguyen Van Thanh, Thuong avait plusieurs fois occupé des postes importants à divers endroits. Quand Nguyen Van Thanh était gouverneur du nord, il le suivit et s’y occupa des unités militaires. Nguyen Van Thanh rappelé à la capitale, Thuong y fut aussi convoqué pour devenir Ministre de la Guerre. Le roi Gia Long avait confiance en lui et le protégea également. En témoigna le fait qu’il ne fut pas condamné pour avoir falsifié un acte d’investiture pour Hoang Ngu Phuc, un général des Trinh, malgré les conclusions de la cour qui l’avaient jugé traître.

Lorsqu’il était en fonction dans le nord, il avait fait des dépenses qui mordaient les impôts, ce qui fut dénoncé après par Le Chat. Thuong fut ensuite arrêté en attendant le jugement. Il était un homme de talent, mais orgueilleux et mesquin, il se croyait supérieur à tout le monde. C’est pourquoi ses subalternes ne l’admiraient pas. Du temps où il travaillait à la résidence du gouverneur de Bac Thanh, il fut chargé de juger Phan Huy Ich et Ngo Thoi Nhiem. En cette occasion, il a frappé Ngo Thoi Nhiem au Temple de Littérature en raison d’une haine personnelle entre les deux. Par cet acte, certains gardaient du ressentiment pour lui. Cette fois-ci, il fut arrêté mais il se montrait encore orgueilleux pour avoir aidé le roi dans les batailles. En prison, il méprisait les geôliers, se moquait de la cour royale. Cette attitude lui valait la condamnation à mort par strangulation.

LA CONSTRUCTION DE LA CITADELLE

Après avoir réunifié le pays et réorganisé l’administration, le roi Gia Long pensa à la construction d’une capitale en proportion avec le territoire. Trouvant la ville de Phu Xuan des anciens seigneurs trop petite et pas assez solide, il projeta de construitre une nouvelle capitale en examinant la conformation du terrain. Au 4e mois de l’année du Buffle ( 1805 ), il fit occuper les territoires de certains quartiers tels que Van Xuan, An Van, An Hoa, Phu Xuan, etc.. pour construire la citadelle. Le quartier Phu Xuan perdait une grande part de sa superficie. Au début, les remparts extérieurs étaient construits en terre battue; peu de temps après, il fallait tout réparer car ils étaient ravagés par les pluies et les tempêtes. Les réparations s’effectuaient de l’année du Chat ( 1802 ) jusqu’à la fin du règne de Gia Long. En 1818, le roi Gia Long ordonna à Hoang Cong Ly et Truong Phuc Dang de refaire les remparts en briques, en commençant par les côtés sud et ouest puis le côté nord. La construction du côté nord n’était pas encore achevée quand le roi Gia Long décéda.Par rapport à l’ancienne, la citadelle nouvellement construite était beaucoup plus magnifique, imposante et solide. En 1819, le Ray, capitaine du paquebot Henri, lors de sa visite à Hué, a écrit dans son journal :

“ La citadelle de Hué est certainement la forteresse la plus magnifique et la plus harmonieuse de l’Indochine, y compris les forteresses William à Calcutta et Saint-Georges à Madras, construites par les Anglais ”(9).

La citadelle avait 9 949,44 m de pourtour, divisée en quatre parties : la partie de devant faisait 2 564 m de long, celle de gauche, 2 435,16 m; celle de droite, 2 503,56 m et celle de derrière, 2 446,72 m. La muraille était 6m de haut et 20m d’épais. À l’extérieur, autour de la muraille se creusait un canal qui faisait 22,80 m de large et 4 m de profond. À l’extérieur de la citadelle, vers le nord-est, était construit un rempart supplémentaire de 986 m de pourtour, 2,68 m de haut, 14 m d’épais, entouré d’un canal de 30 m de large. Ce rempart était nommé Thai Binh Dai ( Bastion de la Paix ) ou Mang Ca. L’entrée et la sortie de la citadelle se faisaient par les dix portes dont chacune, d’environ 16 m de haut, avait trois plates-formes. À partir du côté nord, on avait : Porte du nord (ou Porte Hau ); Porte du nord-ouest (ou Porte An Hoa); Porte de l’ouest; Porte du sud-ouest (ou Porte Huu) ; Porte du sud ( ou Porte Nha Do ); Porte Quang Duc; Porte The Nguyen ( ou Porte Ngan ); Porte du sud-est ( Porte Thuong Tu ); Porte de l’est ( Porte Dong Ba ); Porte Du nord-est ( Porte Ke Trai). Outre ces dix portes, il y avait encore la Porte Thai Binh ouverte au Bastion Thai Binh.

Au sud du Bastion Thai Binh il y avait aussi une autre porte d’où l’on sortait, c’était la porte Truong Dinh ou Trit. Au milieu du côté sud de la citadelle se dressait, magnifique et imposante, la Tour du Drapeau. Construite en 1809, elle avait trois étages, le premier faisait 5,60 m de haut, le second, 5,80 m, et le troisième, 6m. Les étages se communiquaient par une arcade nommée Nguyet Mon Cong. Sur la tour s’élevait une colonne de deux étages en bois de lim d’une hauteur d’environ 30 m. Les jours de fête ou de cérémonie, on y hissait le drapeau, en général, cette colonne servait aussi d’observatoire.

Parallèlement à la construction de la citadelle, le roi Gia Long fit bâtir aussi Hoang Thanh ( Cité Impériale ) et Cung Thanh ( Cité Interdite ).

La construction de la Cité Impériale commença en 1804, l’année du Rat. D’un pourtour de 2 456 m, elle était presque carrée, les côtés est-ouest faisaient 622 m de long, les côtés nord-sud, 606 m. Chaque côté était troué d’une porte. Au côté sud il y avait le bastion Nam Khuyet, et, à partir de 1806, le Temple Can Nguyen. On entrait au bastion Nam Khuyet par les deux portes de gauche et de droite ( Ta doan et Huu doan ). À gauche de ce bastion, c’était la porte Hien Nhan, construite en 1811, à droite, la porte Chuong Duc, construite aussi en 1811; et derrière, la porte Cung Than. La dernière construction au fond de la citadelle était Cung Thanh ( Cité Interdite ), construite en 1804. C’était un rectangulaire de 1 230 m de pourtour, les côtés de devant et de derrière faisaient 324 m de long, les côtés de gauche et de droite, 291 m. Les murs étaient 3,8 m de haut et 0,8 m d’épais. L’enceinte de ces murs servait de logement au roi Gia Long et à ses épouses, concubines et odalisques. Dans cette Cité – appelée Tu Cam Thanh Cité Pourpre Interdite par le roi Minh Menh – se passaient tant d’histoires qui influençaient parfois la vie et l’œuvre des rois de la dynastie des Nguyen.

LE ROI GIA LONG ET SES CONCUBINES

Comme les autres monarques du monde entier, le roi Gia Long avaient de nombreuses concubines et odalisques. Outre celles dont on se rappelaient encore le nom et celles qui avaient des enfants avec le roi ( au nombre de 17-18 ), le roi Gia Long était servi, d’après les documents historiques, par une centaine d’odalisques. Vivant au sein d’une collectivité féminine, le roi avait sans doute connu pas mal de difficultés. Lui était un homme habitué aux batailles, qui donnait souvent des ordres et qui était toujours obéi. Or, d’après ce que révélaient certains de ses confidents tels Michel Chaigneau, une fois rentré au palais royal, près de ces femmes, il avait souvent du dégouât pour ces êtres féminins - qu’il appelait même “démons”. On pouvait déduire de là que le palais royal n’était pas un paradis. Peut-être à cause de cela que le roi Gia Long n’instituait aucune de ses épouses comme reine.

D’après Biographie des grands hommes du Dai Nam et Registre généalogique de la famille Nguyen Phuc, le roi Gia Long avait deux épouses envers qui il avait de l’affection et de la confiance. La première c’était Tong Thi Lan, investie plus tard Reine Thua Thien, mère du prince Canh. Elle avait partagé avec le roi joies et tristesses, surtout pendant des jours de difficulté. En 1783, les Tay Son attaquèrent Gia Dinh, Nguyen Anh, actuel roi Gia Long, fut obligé de s’enfuir avec sa famille à l’île Phu Quoc. À bout de force, il envoya son fils, prince Canh, âgé de 4 ans, en France avec l’évêque Pigneau de Béhaine appeler à l’aide les Français. Elle était douce , généreuse et aussi économe. Il était des fois où les nourritures et les vêtements manquaient, elle tissait et cousait elle-même. Pendant les traversées en mer, elle frappait les tambours pour encourager les soldats, les combats pourraient ainsi continuer avec succès, le roi Gia Long échappa à la mort. Plus tard, après la reprise de Phu Xuan, Nguyen Anh se fit proclamer roi, elle lui redonna la moitié du morceau d’or. Le roi prit aussi la sienne et rassemblant les deux parties pour faire un tout, il le lui donna en disant :“ Ce morceau d’or, gage de notre amour, nous reste, c’est que le Ciel nous a aidés. Il ne faut pas oublier les moments de difficulté. Gardons –le pour la postérité” (10).

Outre cet amour ardent entre le roi Gia Long et la Reine Thua Thien, il y avait encore la concubine Tran Thi Dang, originaire du village Van Xa, district de Huong Tra, province de Thua Thien. C'était la mère du roi Minh Menh. Elle avait aussi subi des difficultés avec le roi et était aussi adorée du roi. Elle était modeste, férue de littérature, grâce à ses tendances , Minh Menh deviendrait plus tard un roi compétent dans les domaines militaire et littéraire.

En dehors de ces deux amours, le roi Gia Long en avait un autre, qui lui avait causé du scandale. En 1801, à la tête des troupes, il avança reprendre Phu Xuan. Le roi Canh Thinh Nguyen Quang Toan mena des troupes marines à l’estuaire Thuan An prendre la défensive. Défait, Canh Thinh dut s’enfuir vers le nord. Nguyen Anh fit l’entrée à Phu Xuan et rencontra dans le palais royal une jeune femme très belle. C’était la princesse Ngoc Binh, sœur de la princesse Ngoc Han, fille du roi Le Hien Tong, épouse du roi Canh Thinh. Ne pouvant pas quitter le palais avec les Tay Son, elle dut y rester. Séduit par sa beauté, Nguyen Anh décida de se marier avec elle, en dépit des conseils des mandarins. Ce mariage était reflété dans le chant populaire :

Combien étrange est cette destinée-ci

Une princesse a deux rois comme maris”.

C’était une ironie du sort : Les deux ennemis devenaient des beaux-frères ! Le roi Quang Trung s’est marié avec la princesse Ngoc Han, tandis que le roi Gia Long s’est marié avec la princesse Ngoc Binh, tous les deux étaient les gendres du roi Le Hien Tong!

Et quel était le sort des autres odalisques dans le palais ? Tant d’histoires étaient tissées à leur sujet, ironiques, comiques et même tragiques. Mais à travers ces histoires fictives, il y avait une chose dont on parlait souvent, c’était la peur éprouvée par le roi chaque fois qu’il rentrait au palais royal, lieu où, d’après lui, “ il se trouvait au milieu des démons assourdissants”. Et, par cette raison, ce que le roi avait envie de faire, c’était de “ modifier ce monde, surtout le monde féminin, car les femmes sont beaucoup plus redoutables que les hommes”. (11). C’était vraiment une remarque audacieuse.

LA DEMEURE ÉTERNELLE

Pour les Asiatiques, la vie sur terre n’est que provisoire, c’est seulement une auberge où se reposent des passagers. L’opinion selon laquelle “ Vivre, c’est loger provisoirement, mourir, c’est rentrer ” se répand chez toutes les classes de la société. C’est pourquoi, même au faýte de sa gloire, le roi Gia Long cherchait toujours une demeure éternelle. À côté de son travail de gouverner le pays, il se donnait de la peine à trouver un endroit propice pour son sommeil éternel. Il ordonna à quelques mandarins talentueux et même aux géomanciens de parcourir les régions aux beaux sites pour choisir enfin le village Dinh Mon, district de Huong Tra, province de Thua Thien. En 1814, il y fit construire le mausolée Thien Tho, sur la rive gauche de la rivière des Parfums, à 12km à l’ouest de la citadelle. Les mandarins Tong Phuc Luong, Pham Nhu Dang, Le Duy Thanh allaient consulter ceux qui pratiquaient la divination par la terre, tous disaient que c’était mieux de construire le mausolée à la montagne Thien Tho. Alors c’était décidé et le mausolée s’appelait Mausolée Thien Tho. (12 ). Les 36 autres montagnes qui se trouvaient dans les environs recevaient chacune un nom donné par le roi. Le côté de devant du mausolée Thien Tho faisait 600 m de large, les trois autres côtés, 400 m. La construction continuait pour achever à la mort du roi Gia Long.

Au cours de la construction, le roi venait souvent au chantier donner des indications. Voyant que les soldats et les habitants travaillaient trop dur, il ordonna aux mandarins locaux de leur fournir des vivres et des outils. Une fois, il y alla à éléphant juste au moment où un tourbillon fit tomber la maison dans laquelle il s’asseyait. Il eut le temps de sauter dans un fossé et ne fut que légèrement blessé. Mais d’autres étaient gravement blessés ou tués. Il ordonna aux mandarins responsables de soigner et encourager les blessés, de leur donner plus de vivres, et d’enterrer les morts comme il fallait. Malgré sa simplicité, ce mausolée était un des plus magnifiques.

Le 19e jour du 12e mois de l’année du Dragon ( 3-2-1820 ), le roi mourut, à l’âge de 58 ans. Le 27 mai 1820, il fut enterré à la sépulture à côté de celle de la reine Thua Thien. Deux sépultures parallèles abritaient deux personnes qui, de leur vivant, passaient ensemble des jours de bonheur et de malheur, et qui se trouvaient côte à côte dans leur demeure éternelle, au sommet de la grandiose montagne de Tho Son.

___________________________________________

(1) Les documents historiques l’appelaient Nguyen Anh, sans le prénom “Phuc”,

Mais d’après les Annales de la cour nationale et le Registre généalogique de la famille Nguyen Phuc, c’était Nguyen Phuc Ánh ou Nguyen Phuc Anh. Il avait encore d’autres noms : Noan et Chung.

(2) Le fait qu’il arriva à l’île Con Lon était noté par les Annales officielles du Dai Nam. Mais, d’après Histoire moderne du pays d’Annam par May Bon, l’île Con Lon dont parlait les Annales officielles du Dai Nam était peut-être l’îlot Kohrong dans le golfe Siamois, près de l’île Phu Quoc. Les troupes d’alors de Tay Son n’étaient pas assez puissantes pour faire trois cercles de l’île Con Lon, d’ailleurs la petite barque de Nguyen Anh n’ était pas en mesure de faire le trajet de My Tho à destination de Con Lon pour retourner à Phu Quoc.

(3) Pigneau de Béhaine ( nom vietnamisé : Ba Da Loc ou Bi Nhu ) , missionnaire dans le Sud, avait alors du prestige et de l’influence en France.

(4) L’histoire de la région Sud par Phan Khoang, note de la page 648 : “ce morceau équivaut à 24 taels ( d’autres sources disent 20 taels ). Plus tard, à la première année de son règne, le roi Minh Menh fit y graver : “ Gage du Premier Roi et de la Reine au temps d’évacuation en 1783, l’année du Chat ”, ce morceau d’or était gardé au temple de Phung Thien.

(5) D’après “Annales de la cour nationale ”, traduit pat MM. Le Tan, Le Trong Phan, annoté et réimprimé par le magazine “ Recherches histo-géographiques

(6) Ces officiels avaient souvent un nom vietnamien :

Olivier de Puymanel (Ông Tin ) ; Philippe Vannier (Ông Chân ) ; Dayot (Ông Tri ) ; De Forçant (Ông Lang ) ; Laurent Barisy (Ông Man ).

(7 ) Ce poème est publié dans ” Histoire abrégée du Vietnam” Tome V, par Tran Trong Kim, pp. 422,423.

(8) D’après Histoire abrégée du Vietnam par Tran Trong Kim, Tome 2, et Annales de la cour nationale, traduit par MM. Le Tan, Le Trong Phan, Luong Thuc Ky.

(9) Thai Van Kiem-L’ancienne capitale de Hué- Collection Culture, No 7,8-1960, p.23

(10 )Registre généalogique de la famille Nguyen Phuc, copie à l’ordinateur, p.146.

(11 )Registre généalogique de la famille Nguyen Phuc, copie à l’ordinateur, p.146.

(12) D’après Michel Chaigneau, in “ Le moniteur de la Flotte”.

( Traduit du vietnamien )

Texte original : Nhà Nguyễn, chín chúa mười ba vua. THI LONG

( Extrait )

Thân Trọng Sơn

Aucun commentaire: