jeudi 4 juin 2009

LE ROI HAM NGHI





LE ROI HAM NGHI

( 1884 – 1885 )

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Seulement à la fin du juillet 1884 la cour de Hué fit part à Rheinart, résident supérieur français, de la mort du roi Kien Phuc et de l’intronisation du prince Ung Lich avec le nom de règne de Ham Nghi.

Nguyen Phuc Ung Lich, cinquième fils du prince Kien Thai ou Hong Cai, né en 1871, avait alors 14 ans. Rheinart s’opposait à cette intronisation préparée par Tuong et Thuyet. Après de longues disputes, les Français cédèrent enfin à condition que le nouveau roi Ham Nghi fût investi par eux.

Ce serait plus raisonnable si Chanh Mong succédait au roi Kien Phuc mais Chanh Mong était plus âgé, alors les deux régents avaient choisi Ung Lich, plus jeune. Par rapport aux autres enfants du prince Kien Thai, Ung Lich était moins soigné. Il vivait avec sa mère en dehors de la citadelle, à la différence de ses frères Duong Thien et Chanh Mong. Lorsque le messager des régents Tuong et Thuyet vint le chercher, il s’amusait avec les enfants du voisinage dans la rue. Le messager le ramena à la maison, le fit changer de vêtements. Toute la famille, et Ung Lich lui-même, tremblaient de peur. Devenir roi en ce moment c’ était quelque chose que personne n’aimait parce qu’avec la souveraineté, la mort était toute proche. Tout le monde avait peur d’ être invité à ce poste.

Le 1er aout 1884, le roi Ham Nghi monta sur le trône au Palais de l’Harmonie Suprême. Son avènement eut lieu dans une situation très dangereuse, à vrai dire, il était plutôt un acteur agissant sous la mise en scène de Tuong et Thuyet.

Rheinart se montrait très mécontent du remplacement de Kien Phuc par Ham Nghi, mais , ne sachant pas comment agir, il télégraphia au gouvernement français pour demander des ordres. Pour éviter toute confusion, le gouvernement français lui dit de céder par une acceptation. Pendant ce temps, le général Millot et le colonel Guerrier furent envoyés à Hué avec des troupes pour célébrer l’investiture du roi Ham Nghi. Guerrier arrivé à Hué, Nguyen Van Tuong lui ferma la porte. Guerrier adressa un ultimatum menaçant de tirer contre la citadelle d’après le traité de Patenotre si la cour de Hué ne cédait pas . Enfin, Nguyen Van Tuong et certains dignitaires du Conseil Secret allèrent voir le résident supérieur Rheinart et Guerrier. Nguyen Van Tuong passa au résident la demande d’introniser Ham Nghi écrite en langue nationale. Rheinart exigea avec des paroles menaçantes un texte en chinois classique. Pendant ce temps, Guerrier se montrait plus modéré. Il arrangea une réconciliation et promit d’aller à la cité impériale le lendemain pour la cérémonie d’investiture.


Le 17 août 1884, une délégation française introduite par le résident Rheinart, le colonel Guerrier et le capitaine du navire Tarn alla dans la cité. Rheinart demanda d’entrer avec sa suite par la porte principale. La cour de Hué s’y opposait puis accepta seulement Guerrier et Rheinart, les autres officiers et soldats devaient passer par les portes latérales, un certain nombre d’entre eux restaient hors de la porte Ngo Mon. Lorsque les délégués arrivèrent au Palais de l’Harmonie Suprême, le roi Ham Nghi n’ était pas là pour les accueillir. Guerrier mit la Légion d’honneur sur la table et sortit. Au retour il devait sortir par la porte latérale car la porte centrale avait été refermée. À partir de ce moment, la situation s’aggravait de jour en jour entre la cour des Nguyen et les Français. Ceux-ci commettaient des exactions et violaient souvent les clauses du traité signé par eux-mêmes. Ils effectuaient de grandes manœuvres dans le seul but de manifester leur puissance. Ils provoquaient, ils menaçaient. Lemaire, consul général français à Changhai, fut muté au Centre du Vietnam pour remplir la fonction de Résident supérieur. Lemaire arriva à Hué en octobre 1884. Le nouveau résident supérieur Lemaire était modéré et diplomatique, mais certains officiers français commettaient des actions immorales. Se prévalant de leur force, ils oppressaient, arrêtaient, emprisonnaient, supprimaient des mandarins et des habitants, ce qui aggravait la situation.


LA PERTE DE LA CAPITALE

LA FUITE ÉPERDUE DU ROI HAM NGHI


La situation de la capitale de Hue au cours des premiers mois de l’année du Coq ( 1885 ) était très compliquée. Diplomatique et modéré, Lemaire ne pouvait pas réconcilier les contradictions et apaiser la haine implacable de nos habitants à l’ égard des officiers et soldats français. Ces derniers s’obstinaient dans leurs provocations. La cour de Hué envoya un memorandum au gouvernement français aux bons soins du résident Lemaire. Le memorandum dénonça la cruauté des officiels français à l’ égard des fonctionnaires vietnamiens dans le nord, et les conditions difficiles imposées aux navires de commerce du Vietnam. De plus, les Français avaient obligé la cour de Hué à détruire le sceau d’investiture décerné par la Chine. … Parallèlement à ces dénonciations, Nguyen Van Tuong donna des ordres secrets aux mandarins du Nord de ne pas aider les Français dans la région.

Trouvant que Lemaire ne remplissait pas bien son devoir, le gouvernement français décida, en avril 1885, d’envoyer encore De Courcy. Arrivé au Vietnam avec les pleins pouvoirs, De Courcy projeta de pacifier d’abord le Nord. Dès sa venue, il donna l’ordre de convoquer Lemaire. Celui-ci, mécontent d’ être placé sous le commandement de De Courcy, arriva à Hanoi et donna sa démission. De Courcy le fit remplacer par Champeaux.

Ayant reçu des rapports sur les deux régents Tuong et Thuyet, De Courcy voulait prendre les devants. Il fit part à Champeaux de ses intentions et ordonna à celui-ci d’informer la cour de Hué de son arrivée. Le 1er juillet 1885 ( le 13e jour du 5e mois de l’année du Coq ), les navires de De Courcy avec un corps de troupes d’environ 1 000 soldats arrivèrent à l’estuaire Thuan An. Le résident Champeaux et une délégation de la cour de Hué y allèrent à leur rencontre. Arrivé au bureau du Résident, de Courcy avait une réunion secrète avec Champeaux au cours de laquelle ils préparaient l’arrestation de Ton That Thuyet qu’ils considéraient comme le plus puissant de la cour des Nguyen. Il se peut que Ton That Thuyet fût au courant de ce complot.

Voyant de Courcy arriver à Hue avec des forces puissantes, Ton That Thuyet se montrait très inquiet. Il se hâta de discuter avec Nguyen Van Tuong en vue d’une solution. La délibération durait longtemps sans arriver à une fin, les deux régents ne pouvant pas se mettre d’accord.

Quant à de Courcy, il réalisa son projet prévu d’organiser un festin au bureau du Résident. Y furent invités les régents, les mandarins du Conseil Secret, sous le prétexte de discuter sur la formalité de présenter au roi Ham Nghi la lettre de créance. Au début du repas, le représentant français leva le verre de souhaits accompagnés des paroles insolentes, exigeant notre gouvernement de payer les dépenses de guerre, englobant

20 000 barres d’or, 200 000 barres d’argent et 200 000 ligatures. Remarquant l’absence de Ton That Thuyet, il demanda avec soupçon : “ Le régent n’est pas là pour se préparer à nous battre, n’est-ce pas ?”. Un dignitaire répondit que Ton That Thuyet était malade, de Courcy prit un ton de supériorité :“ Qu’il vienne en hamac s’il est malade !”.

Lors de la discussion sur l’audience au roi Ham Nghi, de Courcy demanda d’un air arrogant l’entrée par la porte Ngo Mon accordée à toute la délégation française. En cette occasion, Nguyen Van Tuong dénonça les actes de pillage des soldats français et proposa de leur interdire de pénétrer dans la Citadelle.

Le repas fini, Nguyen Van Tuong alla rapporter à Ton That Thuyet tout ce qui

s’ était passé. Fâché, Thuyet ordonna de se préparer à faire face à l’ennemi.

Le soir du 4 juillet 1885 ( le 22e jour du 5e mois de l’année du Coq ), de Courcy offrit un festin aux officiers français. Profitant de l’occasion, Ton That Thuyet donna l’ordre d’attaquer vers minuit. Un certain nombre d’officiers ont pu rentrer à leur caserne à cette heure tardive. Une aile de nos troupes, dirigée par Ton That Liet, attaqua et brûla les camps du bureau du résident. Une autre aile, commandée par le Commandant Tran Xuan Soan et le Régent Ton That Thuyet, attaqua Mang Ca. Les canons tirés de nos forteresses contre les camps ennemis ont causé des morts parmi les officiers et soldats français. Jusqu’ à l’aube, les forces françaises arrivèrent à se consolider et commencèrent la contre-offensive. La situation était la même à Mang Ca : après des moments de panique, les soldats français reprirent leur position et se mirent à déclencher une attaque contre la Citadelle. Ils y pénétrèrent en trois directions, protégés par des coups de canon. Nos troupes défendirent courageusement mais finirent par se retirer et se disperser. A la pointe du jour, la bataille toucha à sa fin : notre armée était battue à la retraite. Les soldats français avancèrent en brûlant les sièges des ministères de la Guerre et de l’Intérieur. Les habitants de la citadelle étaient massacrés en prenant la fuite, des cris, des lamentations se firent entendre partout. Devant cet échec, les deux régents introduisirent le roi Ham Nghi et les reines des palais passer par la porte Huu pour se rendre à Kim Long avant d’aller jusqu’ à Quang Tri.

A 8 heures, le drapeau français fut hissé au mât de la Tour de Drapeau. C’ était le 23e jour du 5e mois de l’année 1885, date où la capitale est tombée dans les mains des Français .


APPEL AU SOUTIEN DU ROI DANS SA LUTTE


Les reines des Deux Palais et le roi Ham Nghi lui-même ne savaient rien de cette bataille préparée par les deux régents Ton That Thuyet et Nguyen Van Tuong. Seulement à la matinée du 23e jour du 5e mois, voyant nos troupes vaincues, Ton That Thuyet en fit part à la Reine-Mère. Celle-ci décida alors de quitter la capitale en palanquin avec les reines du palais. Après quoi, Ton That Thuyet alla presser le roi de partir. Le roi, trop petit, n’y comprit rien : “ Je ne fais la guerre à personne, pourquoi partir ?” Ton That Thuyet ne lui répondit pas, le fit monter en palanquin pour prendre la fuite vers Kim Long par la porte Huu. Cette scène de fuite de la cour de Hué était vraiment tragique. Environ dix mille personnes, vieilles et jeunes, se conduisaient en passant le pont Kim Long ( Loi Te ) en direction du nord. Et ces princes et princesses, trop habitués à la vie des palais, prenaient de la peine à marcher. Ne pouvant pas supporter les fatigues de cette fuite, certains d’entre eux couchaient par terre au bord des routes, quel triste sort ! Ton That Thuyet, militaire énergique, ne put pas contenir ses larmes devant un tel spectacle. A Ke Van, le roi fut obligé de descendre du palanquin pour passer à gué la rivière. Mais la rivière était trop profonde pour lui, il se retourna en pleurant. Alors, Ton That Thuyet introduisit le cortège royal longer le pont Bach Yen pour passer l’église de Kim Long en direction de la pagode Thien Mu. On arriva ensuite au village de La Chu, y passa la nuit pour venir enfin à Quang Tri le lendemain vers minuit. Le chef de province Truong Quang Dan et le mandarin Truong Dong étaient là pour accueillir le roi. Deux jours après, le cortège se partagea en deux groupes ; le premier suivit la Reine - Mère Tu Du à la capitale, le second, introduit par Ton That Thuyet, englobait les mandarins qui voulaient accompagner le roi à Tan So pour préparer une longue résistance.

Le matin du 9 juillet ( 1885 ), la Reine – Mère retourna à la capitale, suivie de quelques mandarins, princes, princes du Sang, dont le prince Chanh Mong. La séparation avait l’air d’un adieu. Et encore une fois, Ton That Thuyet ne pouvait pas comprimer ses sentiments. Il projeta de laisser son fils Ton That Thiep retourner, mais Thiep, âgé alors de 15 ans, voulait le suivre, il promit devant le roi et son père de lutter jusqu’au bout. L’après – midi, le roi suivit tristement Ton That Thuyet à Tan So, une base de résistance où Ton That Thuyet avait préparé des vivres et des armes en cas de troubles. Deux jours après, la Reine – Mère Tu Du arriva au mausolée Khiem Lang. Quant à Ton That Thuyet, après avoir introduit le roi à Tan So, il commença à rédiger un mandat royal dans lequel il dénonça les crimes des Français et appela tout le peuple à soutenir la monarchie en lutte contre les Français. C’était ainsi que que fit son apparition la Proclamation Can Vuong.

Dans cet appel, on peut lire :“ Profitant de la période où nous portons le deuil pour l’empereur Duc Ton ( ou Tu Duc ), les Français s’emparent de l’estuaire Thuan An, nous obligeant à les laisser biavouaquer dans la Cité Impériale. Si résignés soyons-nous, nous ne pouvons pas supporter cette oppression. Au 5e mois de l’année du Coq, de Courcy, à la tête d’un corps de 10 000 soldats, nous exige de céder la Cité. C’est pour cette raison que j’ai décidé de déclencher une attaque. En cas de victoire, Ton That Thuyet établira une autre disposition de bataille, tandis que je m’éloignerai provisoirement à Ha Tinh. En cas de défaite, la cour et moi partirons dans le nord préparant la restauration. Mais il faut d’abord supprimer les chrétiens pour assurer la victoire future car ce sont eux qui, de connivence avec les Français, ont réagi contre moi. Le coup de force de la nuit du 22 e jour du 5e mois de l’année du Coq a tué un grand nombre de soldats français, mais pas mal de nos habitants ont péri aussi.

En ce moment, Nguyen Van Tuong se montre infidèle en se cachant dans le séminaire de Kim Long. J’entends dire que les Français l’ont poussé à me faire revenir pour leur rendre la Cité Impériale. Je sais aussi que c’est une ruse de leur part. Nguyen Van Tuong a suivi l’ennemi, de plus il a faussé l’écriture de la Reine – Mère pour me tromper. Si par hasard quelqu’un reçoit une telle ordonnance, brûlez-la car c’était une fausse. À présent, j’arrive déjà à Au Son, en compagnie du Régent Ton That Thuyet et d’autres mandarins et dignitaires. Les lettrés, les habitants, les soldats se sont réunis au fur et à mesure pour participer à la lutte .”

En quelques jours ce jeune monarque a bien grandi. Il commença à comprendre les raisons de son départ, il ne s’attristait plus et ne demandait plus à retourner.


AU SON , BASE DE LA RÉSISTANCE DU ROI HAM NGHI


Le mandat royal promulgué, les habitants y répondirent chaleureusement. Des paysans pauvres, des riches notables, et même des lettrés, tous répondirent à l’appel en collectant argent et objets ou en se rendant à Au Son contribuer au salut national. A Ha Tinh, Le Truc se souleva et occupa la région de Linh Giang. Phan Dinh Phung établit la base Vu Quang à Huong Khe, province de Ha Tinh et mena une insurrection avec la collaboration du docteur Dinh Nho Hanh. De pareils soulèvements s’éclatèrent partout dans le nord et le centre, les Français en prirent peur.

Au Son est une petite montagne appartenant au village Phu Gia, Huong Khe, province de Ha Tinh. Un mandarin militaire, Nguyen Chanh, défendait le rempart en haut de la montagne. De retour du Laos par le Col Qui Hop, Nguyen Chanh communiqua la situation aux zoânes d’alentour. À la nouvelle, le chef militaire de la province Ha Tinh, Phan My, amena 500 soldats de renfort avec des vivres. Avec Nguyen Chanh, il fit construire des remparts et forteresses, préparant une longue résistance contre les Français. Après avoir stabilisé cette base, vu que nos forces étaient encore trop faibles pour vaincre l’ennemi, Ton That Thuyet demanda au roi Ham Nghi de partir en Chine solliciter de l’aide. Avant de partir, il recommanda à ses deux fils Ton That Dam et Ton That Thiep de rester auprès du roi pour le protéger car, dit-il, le roi était l’âme de tout le mouvement. Dam et Thiep reçurent l’ordre en s’agenouillant, ils promirent de protéger le roi au péril de leur vie.

Dans les troupes qui suivaient le roi Ham Nghi lors son séjour à Au Son, il y avait des soldats de la minorité ethnique Muong commandés par Truong Quang Ngoc. Par son courage, Ngoc gagnait de l’estime de Ton That Thuyet qui l’acceptait dans la garde de corps comme chef de groupe. Pendant ce temps, Ngoc se montrait courageux et fidèle, Ton That Dam avait bien confiance en lui. Et c’était Truong Quang Ngoc qui avait bien des fois dégagé le roi encerclé par les Français. Les jours à Au Son étaient vraiment pénibles, parfois on devait même se cacher dans la profondeur des forêts. Pourtant les troupes du roi Ham Nghi ne fléchissaient point, elles infligèrent en retour des coups bien tapés aux Français. Au contraire, les Français unirent leurs forces pour une attaque violente, ils assiégèrent la rivière Ve dans l’intention d’abattre le poste Cua Khe par deux ailes formées d’une brigade chacune. Les soldats dans le poste, dirigés par Truong Quang Ngoc, se dépendirent courageusement. Ils causèrent des pertes aux Français mais enfin avec un effectif peu nombreux, Ngoc devait amener le roi à une fuite dans la forêt. Ton That Thiep et Truong Quang Ngoc accompagnèrent le roi jusqu’à la montagne Ma Rai. Le jeune monarque restait indifférent en dépit de toutes les peines. Il supportait misère et faim en sachant qu’il était le pilier de la lutte. Il observait une telle attitude car la moindre de ses réactions pourrait influencer la grande œuvre. Il valait mieux, dit-il souvent à ses confidents, mourir dans la forêt que de revenir en souverain fantoche au service des Français . De leur côté, les Français firent la même remarque, ils menèrent des poursuites acharnées, une fois le roi capturé, le mouvement anti-français se démembrait spontanément. C’est pourquoi de Courcy fit lancer des rafles continuelles en vue de capturer le roi Ham Nghi. Il ne pensait plus à se servir de l’ordonnance de la Reine Tu Du ni de la lettre du roi Dong Khanh car elles s’avéraient inefficaces.

Même avec la présence du général en chef Prud’homme ( qui venait d’arriver ), les Français continuèrent à user de la force pour arrêter le roi Ham Nghi. Prud’homme ordonna au missionnaire Hoang ( originaire de Ha Tinh, travaillant pour le roi Dong Khanh ) d’amener les soldats avec d’autres catholiques jusqu’au lieu où Ham Nghi s’abritait. Le roi était à deux doigts de son arrestation au poste Cua Khe. Il continua des jours de misère et de peine, avec des déplacements successifs. Personne ne pouvait suivre ses traces à l’exception de Truong Quang Ngoc et de quelques gardes de corps. De plus, pour arriver à l’abri du roi, il fallait passer, à quelques dizaines de lieues, par la base d’avant-garde à Thac Dai, défendue par Ton That Dam et Nguyen Pham Tuan.

Pendant ce temps le soulèvement mené par Le Truc s’affaiblit àcause de la trahison des chrétiens qui rancardaient les Français, parmi lesquels il fallait citer le missionnaire français Tortuyaux, curé de l’église Huong Phuong. Ce missionnaire avait fait part au capitaine Monteaux, chef du poste Minh Cam, des nouvelles concernant l’attaque du poste préparée par Le Truc. L’attaque se déroula comme prévue mais, comme Monteaux en était au courant, ses troupes s’embusquaient déjà en attendant . Et les soldats de Le Truc devaient se retirer. Monteaux prépara la contre-attaque, en même temps, il écrivit à Le Truc pour le convaincre à se rendre mais celui-ci restait inébranlable. Le soir du 19 juin 1887, Monteaux attaqua à l’improviste le poste de Le Truc, près de Thanh Thuy. Attaqué subitement, Le Truc dut abandonner le poste sans emmener sa famille. Presque tous les soldats furent tués, la femme et les enfants de Truc furent arrêtés et conduits au poste Minh Cam. Ils y étaient abattus au fusil avec les autres soldats capturés. Défait, Le Truc vivait une vie cachée dans les forêts. Après la défaite de Le Truc et la mort héroïque de Nguyen Pham Tuan, le mouvement Can Vuong à Ha Tinh s’affaiblit au fur et à mesure. Lors d’une patrouille dans la haute montagne, les Français ont capturé deux soldats de Nguyen Pham Tuan. Après avoir subi des tortures, ces deux soldats révélèrent que le roi s’abritait à présent à Thanh Lang avec comme garde de corps Truong Quang Ngoc qui y revenait souvent car son beau-père Hinh vivait aussi à cet endroit. Avec ces informations assez précises, Monteaux décida de capturer Truong Quang Ngoc. Connaissant le champ d’activité de Truong Quang Ngoc à Cha Mac, Monteaux commanda deux groupes de soldats et lança une attaque mais Truong Quang Ngoc avait pu s’échapper en passant par la rivière Nai. Après avoir fouillé le logis de Ngoc, le capitaine français découvrit, outre les objets nécessaires, une tube et un service à opium. Et, profitant de l’ opiomanie de Ngoc, il pensa à l’embaucher .


HAM NGHI CAPTURÉ


En juillet 1887, le capitaine français Monteaux, chef du poste Minh Cam, fit rendre à Truong Quang Ngoc son service à opium. Il envoya en même temps au roi Ham Nghi cent kilos de riz avec deux lettres, l’une, de la part de la reine Tu Du, l’autre, du roi Dong Khanh. (1). ( À ce moment, Ung Dang ou Chanh Mong avait été mis sur le trône par de Courcy et la cour avec le nom de règne de Dong Khanh ).

Le contenu des deux lettres était de convaincre le roi à se rendre. Il y avait encore une troisième lettre rédigée par le capitaine dans laquelle il poussa Ngoc à arrêter le roi Ham Nghi. Ngoc lui répondit qu’il promit d’arrêter le roi mais il fallait attendre un certain temps car il était blessé et ne pouvait pas agir immédiatement. Les Français resserrèrent le siège, croyant que le roi s’abritait dans les forêts de Ha Tinh, ils décidèrent de transférer leurs postes de la région côtière à la haute montagne.

Au 10e mois de cette année, Nguyen Tinh Dinh, un soldat d’ordonnance du roi Ham Nghi se déclara capitulé au poste Dong Ca. Il révéla au capitaine français Boulangier la situation intérieure de l’abri du roi Ham Nghi et de Ton That Dam. Il fit savoir aussi qu’il fallait supprimer Ton That Thiep et Nguyen Thuy pour pouvoir arrêter Ham Nghi, ce que seul Truong Quang Ngoc pouvait faire. Alors le capitaine Boulangier, chef du poste Dong Ca, envoya à Ngoc une lettre aux bons soins de Dinh. Le premier mois de l’année 1888, Ngoc introduisit un certain nombre de confidents ( tous des Muong ) s’approcher en secret de l’abri du roi Ham Nghi. Vers minuit, ils arrivèrent à la cabane où le roi se réfugiait. Entendant du bruit, deux personnes sortirent de la cabane en criant, Truong Quang Ngoc les tua à coup d’ épée. Ces deux personnes étaient le général Nguyen Thuy et son fils. Ton That Thiep prit une épée en sortant et reçut un coup de javelot : il en était mort sur-le-champ. Pendant ce temps, le roi Ham Nghi, réveillé de son sommeil, sortit avec une épée à la main. Comprenant tout ce qui se passait, il passa

l’ épée à Ngoc en disant : “ Tuez-moi plutôt que de me livrer aux Français.” Un soldat saisit le roi à bras-le-corps et lui enleva l’ épée. À partir de ce moment, le roi restait silencieux.

Sur les ordres de Boulangier, Truong Quang Ngoc n’osa pas toucher le roi et se montrait respectueux à son égard. Le roi le regarda avec mépris et ne répondit à aucune de ses questions. Le lendemain, Truong Quang Ngoc fit couper la tête de Ton That Thiep, du général Nguyen Thuy et son fils. Le roi Ham Nghi était porté en palanquin à l’embarcadère Nga Hai avant de prendre un bateau à destination du poste Thanh Lang. Le voyage sur la rivière dura deux jours. Le capitaine Boulangier amena le roi Ham Nghi au poste Thuan Bai situé au bord de la rivière Gianh, près du marché Don. Le commandant chef de ce poste accueillit le roi solennellement mais le roi se taisait toujours. Truong Quang Ngoc chercha à le convaincre mais le roi le regarda fixement en disant :

- Vous m’avez capturé pour me livrer aux Français. Maintenant, même si vous dévorez ma chair, je m’y résigne quand même. Qu’est-ce que je peux faire alors ?”

Le jour où il suivit Ton That Thuyet à Tan So, il n’ était qu’un roi tout jeune, âgé seulement de 13 ans, il demandait sans cesse à revenir en pleurant. Mais depuis qu’il proclama l’Appel au peuple, ce jeune roi sentit qu’il grandissait beaucoup. Il se rendit compte de son rôle dans cette période tragique de l’histoire. Les quatre années vécues dans la forêt profonde avec tant de misères l’ont rendu très énergique. Maintenant, en jetant un regard vers ces quatre années de lutte pour la sauvegarde de la patrie, il comprit que sa mission était finie. Il ne s’inquiétait point à cette heure où la mort l’attendait. En revanche il se montrait infiniment calme, ce calme d’une personne qui avait bien accompli sa tâche et qui se voyait à présent dans la situation difficile d’ être capturé par l’ennemni. Il regrettait seulement de ne pas pouvoir continuer sa lutte pour l’indépendance de la patrie.

À la nouvelle de l’arrestation du roi, Ton That Dam, âgé alors de 22 ans, perdit tout espoir. Ce jeune homme nourrissait l’idéal de servir la patrie en restant loyal au roi. Maintenant, avec la perte du pays et l’emprisonnement du roi, il décida de choisir la mort au lieu de vivre dans l’humilité. Il réunit les mandarins civils et militaires, et les soldats, leur fit les dernières recommandations, puis s’ étrangla avec le turban qu’il mettait souvent autour de la tête. Après la mort de Ton That Dam, la capitulation de certains mandarins, le retour au village natal de quelques autres, le mouvement Can Vuong s’éteignit peu à peu.


ALGER, L’EXIL DU ROI HAM NGHI


Dès les premiers moments où le roi Ham Nghi fut introduit au poste Thanh Lang, il ne souffla mot. Les Français, avec à la tête le commandant Dabat, lui réservèrent un accueil solennel mais il refusa en voilant le visage avec le pan de son habit. Même quand Dabat fit la lecture d’un discours d’accueil, le roi lui dit qu’il n’ était pas le roi Ham Nghi, que le roi était encore à Cha Mac. N’ayant jamais vu le roi, Dabat se montrait déconcerté devant cette déclaration. À la nouvelle de l’arrivée du roi, les mandarins de la région vinrent le saluer mais le roi fit semblant de ne pas les connaître. Quand son ancien maître Nguyen Thuan alla le voir, par respect envers celui-ci, le roi le salua avec des prosternations. Alors Dabat était sûr que ce jeune homme aux yeux brillants était vraiment le roi Ham Nghi. Il traitait le roi avec gentillesse avant de l’introduire en bateau vers l’estuaire Thuan An.

À la nouvelle de l’arrivée du roi à l’estuaire Thuan An, le Résident Rheinhart, le colonel en charge des forces armées françaises à Hué s’y rendirent avec quelques membres du Conseil Secret pour l’accueillir mais le roi se montrait indifférent. Il refusa de les accueillir sous prétexte d’ être malade. Plus tard, il accepta de recevoir Rheinart après les insistances du lieutenant Bonnefoy.

Rheinhart lui dit au cours de l’entrevue : “ Madame votre mère est gravement malade. Si vous voulez la voir, je la ferai venir ici en bateau pour que vous lui disiez quelques mots.” Mais le roi le regarda fixement en répliquant : “ Je suis prisonnier, je perds la patrie, comment puis -je penser à mes parents, mes frères et sœurs ?”. Cette nuit même, le roi fut introduit à Lang Co en bateau, puis à Saigon à bord du navire La Comete. De Saigon le roi fut encore amené au bateau Bien Hoa pour aller jusqu’en Algérie. Le 13 janvier 1889, le bateau aborda à Alger. Dans la capitale Alger, le roi vivait dans une villa en haut de la colline El Biar, à 12 km d’Alger. Il y passait le reste de sa vie jusqu’en 1943, date à laquelle il mourut, à l’âge de 72 ans.


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(1) L’avènement du roi Dong Khanh et , par là, la situation de “ deux rois régnant

une nation”, se reflètent nettement dans le chant populaire :

“ Que c’est triste de voir les choses de la vie,

Au milieu c’est Dong Khanh mais aux deux bouts c’est Ham Nghi.”



THÂN TRỌNG SƠN

Traduit du vietnamien

( Nhà Nguyễn – Chín chúa mười ba vua – THI LONG )



2 commentaires:

Anonyme a dit…

En effet le Roi Ham Nghi a vécu à Alger,excatement à El Biar sur une propriété du nom de Bougandoura.Mais il avait vendu cette propriété le 06 Décembre 1937.msg from sindjim@yahoo.fr

Anonyme a dit…

Une erreur à corriger,
il ne s'agit pas du capitaine MONTEAUX mais du capitaine MOUTEAUX Jean Baptiste d'origine Meusienne.
Le prince Ham Nghi s'est rendu au capitaine MOUTEAUX, Ils restèrent plus tard en excellentes relations. Le prince Ham NGHI fut même reçu par le capitaine MOUTEAUX lors d'un séjour à REIMS.