jeudi 30 juillet 2009

LE ROI KHAI DINH






LE ROI KHAI DINH

( 1916 – 1925 )




Après le détrônement du roi Duy Tan, la cour de Hué, avec l’approbation du résident supérieur, intronisa le prince aîné du roi Dong Khanh, Nguyen Phuc Buu Dao, avec le nom de règne de Khai Dinh.


Avant son avènement, Khai Dinh aimait s’amuser plutôt que d’étudier. Il jetait souvent de l’argent aux jeux de hasard et quelquefois il perdait jusqu’au dernier sou au point de s’endetter. C’est pourquoi, une fois monté sur le trône, il ne pouvait rien faire, sauf pour ses propres intérêts. Sous son règne, le résident supérieur saisit presque tous les pouvoirs dans tous les domaines, il présida même le Conseil de Régence. Les Français étaient contents de voir qu’il n’avait pas les opinions de Thanh Thai et de Duy Tan. Ce fut pour cette raison qu’ils le laissèrent construire plusieurs bâtiments tels que le Palais Kien Trung, le Palais An Dinh et le mausolée Ung ( mausolée du roi Khai Dinh ).


Peu après son avènement, pour gagner de la sympathie des habitants du nord, et aussi pour se divertir, en 1918, le roi Khai Dinh effectua un voyage dans le nord, juste à l’inauguration du Jardin Zoologique organisée par le Résident Supérieur de Bac Ky ( région du nord ). En cette occasion, le représentant du gouvernement français y organisa une foire. Les lettrés du nord en profitaient pour exprimer leurs opinions personnelles par un procédé délicat et littéraire à la fois : composer des poèmes, soit en chinois classique, soit en langue nationale. Ils collèrent les poèmes sur les troncs des arbres dans le zoo, en guise de commémoration d’un ouvrage de divertissement achevé. De nombreux poèmes étaient écrits, dit-on, pour chanter ou décrire le Jardin Zoologique. Parmi ceux-ci, un poème en langue nationale était transmis partout dans Hanoi par les pensées profondes d’une ironie amère.


A l’ombre des arbres des cages se rangent en alignée

Dans chacune une sorte d’animal est élevée

Repu, le roi tigre s’endort, couché niaisement

Affamés, les cerfs courent çà et là follement

Ayant de quoi manger, les singes inventent des histoires

Attendant l’ aliment, les oiseaux vantent leur voix

Voilà encore quelques ours malavisés

Se disputant un os d’arrache-pied.


LE VOYAGE EN FRANCE DU ROI KHAI DINH


De par sa nature, le roi Khai Dinh aimait bien les ornements et la vie paisible pour savourer les plaisirs terrestres. Tout ce qui était étrange lui plaisait, surtout ce qui venait de l’Occident, puisque c’ était, pensait-il, moderne, excellent, introuvable chez nous.

En 1922, le résident supérieur de Trung Ky Pasquier lui suggéra d’aller en France assister à “ l’exposition des colonies” organisée à Marseille. Il y consentit, voulant, d’une part, savoir combien civilisée était la France, d’autre part, faire l’achat des objets rares et précieux. Pourtant, à son arrivée en France, le roi Khai Dinh était critiqué vigoureusement par la presse et par nos compatriotes qui y résidaient.

La première réaction était celle de Phan Chu Trinh qui lui envoya la “ Lettre de 7 articles à l’occasion du voyage en France” dans laquelle Phan Chu Trinh cita les 7 fautes de Khai Dinh :


- Abus du pouvoir monarchique.

- Abus des punitions.

- Préférence des prosternations

- Luxe excessif.

- Habillement ridicule.

- Excès des plaisirs de la chair.

- Voyage véreux en France.


La lettre était applaudie chaleureusement par les ressortissants vietnamiens en France. Parmi les 7 fautes citées par Phan Chu Trinh, celle que tout le monde pouvait remarquer avec ironie, c’était l’ accoutrement bizarre du roi Khai Dinh lors de l’exposition à Marseille, nuisant à l’honneur national. D’après ce que l’on raconte, à sa veste étaient attachées de petites ampoules de couleurs criardes. Les batteries cachées là-dedans éclairaient les épaules, le cou, la poitrine de façon ridicule. De nombreux étrangers se groupaient regarder “ le roi d’Annam” comme une statue vivante exposée dans un musée. Au surplus, le roi se montrait généreux en jetant des pièces d’argent aux autres. L’impression laissée par le roi dégoûtait fort nos compatriotes résidant en France. Après la lettre précitée de Phan Chu Trinh apparut en France une pièce de théâtre de Nguyen Ai Quoc, intitulée “ Le dragon en bambou ” qui reflétait très bien la nature du roi Khai Dinh. A travers ces œuvres, on pouvait voir que le roi Khai Dinh n’était point respecté en France. Avec son voyage en France, on trouvait qu’il voulait vendre la patrie à la France.


LE MAUSOLÉE DE KHAI DINH


Pendant environ 10 ans de son règne, le roi Khai Dinh se montrait “sage” et gagnait de la confiance des Français. Il ne pensait pas à autre chose qu’aux divertissements. Comme les rois antérieurs, il se souciait de la dernière demeure en faisant construire son mausolée ( Ung Lang ). A la différence de l’architecture adoptée par les rois prédécesseurs, son mausolée choisit un style occidental vu sous les yeux d’un oriental. A vrai dire, le roi Khai Dinh avait les yeux d’un artiste. Les constructions de son temps suivaient en grandes lignes l’architecture occidentale mélangée du style oriental, par cette raison elles avaient toujours un caractère particulier. Un des ornements qu’il préférait c’était les dragons à cinq griffes symbolisant la souveraineté suprême. Pour avoir des tableaux grands et larges, il avait besoin d’un grand nombre de peintres. Ceux-ci dessinaient des décorations sur les plafonds et les murs. Parmi les peintres connus de l’époque, figurait M. Cuu Tanh dont la peinture des dragons s’avérait vivante et animée.




Après la construction du mausolée, d’après ce que l’on raconte, seule la décoration du plafond du temple Khai Thanh restait inachevée. Il fallait y décorer, selon la volonté du roi Khai Dinh, un dragon à cinq griffes caché dans les nuages, ce dont seul M. Cuu Tanh pouvait s’occuper. Le roi a convoqué Cuu Tanh et lui a confié le travail.


Un jour, le roi alla contrôler le travail au mausolée. Arrivé au temple Khai Thanh, il vit Cuu Tanh allongé sur un échafaudage en bambou, vêtu simplement d’une culotte légèrement déchirée, laissant voir ce qu’il fallait cacher. Se couchant sur le dos, l’artiste plongea avec ses pieds un grand pinceau dans le bol de colorants avant de tracer des traits représentant les nuages. Il entendit des bruits, jeta un coup d’œil au-dessous et faisant semblant de ne pas voir le roi, il continua son travail.


Le roi remarqua tout ceci. L’artiste savait qu’il était là sans le saluer. Et encore il avait une tenue pas convenable ( torse nu ) , il dessina le dragon, symbole de la souveraineté avec les pieds, c’étaient des crimes de lèse-majesté. Le roi s’écria :


- Pourquoi tu ne descends pas me saluer avec des prosternations ? Pourquoi tu oses dessiner le dragon avec les pieds ? Tout ça mérite la peine de décapitation, tu sais ?

Toujours en cette position d’un homme couché sur le dos, Cuu Tanh continua son travail en disant :

- Je n’ose pas ! Je ne sais pas que Votre Majesté arrive. De plus, ce tableau est trop large, je ne peux pas le faire avec les mains, alors je me sers des pieds. Que Votre Majesté m’épargne de la mort.

Voyant que le tableau presque achevé était déjà très beau, il baissa le ton :

- Je te fais grâce, si c’est un autre, je lui couperai la tête.

De nos jours, les visiteurs du mausolée Khai Dinh peuvent voir au plafond du temple Khai Thanh le tableau vivant d’un dragon aux couleurs harmonieuses. C’est le chef-d’œuvre réalisé avec des pieds de l’artiste Cuu Tanh.


LE ROI KHAI DINH ET SES ÉPOUSES


Parmi les rois de la dynastie des Nguyen, Khai Dinh est le seul qui ait un fils unique. Ce phénomène soulève des rumeurs, on parle souvent de ce roi parce qu’il aimait fréquenter plutôt le sexe masculin. Cette tendance se voyait dans les scéances de théâtre classique, dans presque toutes les pièces où jouaient des actrices. Le roi ordonna de choisir toujours des hommes à la place des actrices pour jouer ces rôles. Durant son règne, la troupe théâtrale Thanh Binh choisit toujours de beaux acteurs dans les rôles qui devraient être joués par des actrices.

Lorsqu’il était prince aîné, le roi avait épousé la fille du mandarin régent Truong Nhu Cuong, du village Hien Luong, district de Phong Dien, appelée souvent Co Nhat ( Première demoiselle ). M. Truong Nhu Cuong souffrait beaucoup de ce beau-fils aux mœurs relâchées. Après, Khai Dinh épousa encore une autre femme, Mme Tu Cung, mère du futur roi Bao Dai. Après son avènement, la Première Demoiselle voulait se faire religieuse. Elle établit une pagode au village Thanh Thuy, district de Huong Thuy et y menait une vie religieuse jusqu’aux derniers jours. Tandis que Mme Tu Cung, elle vivait avec lui et heureusement, elle lui donna un prince en 1913, le prince Vinh Thuy.

Comme les autres monarques, le roi Khai Dinh avait de nombreuses concubines et odalisques, mais à la différence des autres, il n’aimait pas prendre en contact avec celles-ci. De leur part, les odalisques étaient en général filles des mandarins qui présentèrent leurs enfants au roi avec l’espoir d’être promus à un poste supérieur. Elles désiraient tant l’affection du roi mais devant l’indifférence du roi, la plupart d’entre elles ne connaissaient pas le bonheur d’être à côté du roi. Mais quelle pitié pour elles : ce n’est pas qu’elles étaient délaissées par leur laideur. Elles devaient s’encroûter dans la solitude et dans la tristesse tout simplement parce que son époux royal préférait le sexe fort aux belles femmes.



THÂN TRỌNG SƠN

Traduit du vietnamien

NHÀ NGUYỄN – Chín chúa mười ba vua – THI LONG



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